Le 15 août

Un texte de Richard de Seze

   Le 15 août, notre village célébrait sa fête et donc ses morts. Nous nous réunissions tous devant le modeste monument, qui flanquait l’église et où les noms des morts étaient gravés en lettres d’or. Le maire appelait les noms un à un et nous répondions tous « 𝐌𝐨𝐫𝐭 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐥𝐚 𝐅𝐫𝐚𝐧𝐜𝐞 ». « – 𝐒𝐨𝐥𝐝𝐚𝐭 𝐅𝐞𝐫𝐫𝐚𝐧 𝐄́𝐝𝐨𝐮𝐚𝐫𝐝. – 𝐌𝐨𝐫𝐭 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐥𝐚 𝐅𝐫𝐚𝐧𝐜𝐞. »
La liste était assez courte mais le moment était long. Je ne traverse plus un village sans m’arrêter devant les monuments aux morts ni ne rentre plus dans une église sans chercher la liste des morts de la paroisse. Des soldats de pierre montent la garde ou lancent une grenade; à Ascain, devant des blés levés, un paysan regarde le ciel et sa femme, à genoux, regarde un casque posé sur le talus. Notre pays est hérissé de mémoriaux qui gardent le souvenir de ces soldats morts pour la France.


   Les fronts n’ont jamais avancé sur tout le pays mais le front du souvenir le couvre en entier. Montent-ils encore la garde, ceux que la mort a fauché au combat? Tous ces noms gravés, peints, dorés ou délavés forment une immense cohorte, augmentée de ceux qui tombèrent avant et dont les noms ne furent pas retenus. Les voilà fondus dans le sol, incorporés à la terre, là où ils sont tombés, ou là où on les a rapportés. De quel poids pèsent-ils dans nos vies, ceux qui ont donné la leur? Et combien nos vies doivent peser lourd pour les soldats qui, aujourd’hui, mettent leurs vies en balance pour préserver les nôtres.

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Richard de Seze, consultant en communication, collabore à plusieurs revues comme Valeurs actuelles, L’Incorrect et Politique magazine.

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