Soldat

Un récit de Catherine Jentile, Grand reporter

C’était un très joli nom pour une situation cauchemardesque : 𝐓𝐮𝐫𝐪𝐮𝐨𝐢𝐬𝐞. Une pierre qui est le symbole de l’union entre le ciel et la terre. Mais on avait l’impression que le ciel avait oublié ce petit coin de terre appelé Rwanda : près d’un million de morts en l’espace de quelques mois seulement.

Les soldats français se sont déployés. Une opération militaire qui a souvent rimé avec humanitaire pour venir en aide aux réfugiés frappés par la dysenterie, la terreur ou le choléra.

En tant que journalistes, nous les croisions presque quotidiennement dans💎 ce pays devenu tellement dangereux. Parfois, loin de la camera, ils se confiaient sur le sens de leur engagement et l’éloignement de leur famille qui en était le corolaire. On ne connaissait pas leur « vrai » nom car certains appartenaient au COS, Commandement des Opérations Spéciales, mais les relations avec eux étaient « vraies » car nous partagions le même péril, loin des polémiques sur cette opération.

Un jour l’un d’entre eux a été blessé alors que son groupe allait libérer des religieuses retenues en otages. Nous avons filmé son évacuation sur une civière, au milieu du souffle des pales de l’hélicoptère. Des images comme dans les « meilleurs films de guerre » mais…nous avons attendu quelques heures avant de les diffuser pour que l’état-major ait le temps de prévenir sa famille et surtout de lui dire qu’il allait survivre.

Un geste de reporter de guerre vis-à-vis d’un soldat car nous savons l’un comme l’autre, ce que nous devons à nos familles qui ont l’élégance et la force de partager notre destin sachant qu’un jour nous pouvons, à l’autre bout du monde, être blessé ou même ne pas revenir.

💎

Catherine Jentile de Canecaude est grand reporter, journaliste de TF1 et de la chaîne d'information en continu LCI.
Elle a obtenu le prix spécial du Festival international du grand reportage d’actualité et du documentaire de société (reportages Guerre du Liban), le prix Pierre Mille pour l’ensemble de ses reportages, et le prix Albert-Londres (avec Manuel Joachim) pour le document Chronique d’une tempête annoncée tourné à Gaza.
Elle a publié chez Plon un roman Tête brûlée: Femme et reporter de guerre et un second destiné aux jeunes, Mahaut, grand reporter, pour faire découvrir son métier qu'elle pratique avec passion et par vocation.

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